# 18 ♦ I just call.. to say...

L'alcool c'est mal, c'est ce qu'on dit mais moi franchement, parfois je pense que ça a du bon, ça détend, ça fait penser à autre chose. Normalement. Moi j'avais tendance à beaucoup penser à Alyssa ces derniers temps et là ce soir, malgré l'alcool qui me montait à la tête, c'était toujours elle qui occupait mes pensées... J’avais passé une partie de la soirée avec deux potes, on avait bu un peu et ils étaient partis depuis une heure, j’avais terminé mon verre seul devant la télé et j’avais ouvert une bière. Pour l'instant j'étais dans un état à peu près correct et toujours en état de réfléchir à notre situation qui - il ne fallait pas se voiler la face - n'avait pas beaucoup évolué depuis ces derniers mois. Le bébé allait être là dans à peine deux mois et demi et on n'avait pas préparé grand chose ni même décidé de notre organisation à venir, on avait même pas réfléchit à un prénom. Je crois qu'on évitait ce sujet dans la mesure du possible mais ça ne pouvait pas durer ainsi, et c'est sûrement pour cette raison que l'envie de lui téléphoner me vint à l'esprit. Seulement il était bientôt une heure du matin et elle était fatiguée ces derniers temps, inutile de la déranger, non à la place de ça, j'allais plutôt reprendre un verre.

Boire tout seul, c'est franchement pitoyable... Si ma mère me voyait, elle serait probablement inquiète pour moi ; je l'imaginais bien me sermonner comme quand j'étais gamin.. "Tu vas être père dans quelques semaines et c'est comme ça que tu te prépares ? C’est pas comme ça qu’on t’a élevé ton père et moi !" La vérité c'est qu'avoir un enfant me faisait toujours flipper et que je me sentais un peu mieux quand mon esprit était embrumé. Comme maintenant. De plus en plus embrumé. Heureusement qu'Alyssa était là, elle était presque plus détendue que moi la pauvre, elle devait s'en vouloir de m'avoir rencontré. Moi malgré cette histoire stressante, je ne regrettais pas du tout d'être tombé sur elle dans ce bar, au contraire. Plus l'alcool montait et plus j'avais envie de l'appeler, bien que je n'aie rien de spécial à lui dire, j'aurais bien voulu entendre sa voix, idéalement j'aurais même beaucoup aimé être avec elle en ce moment-même. Bizarre comme sensation, j'angoissais moins quand je pensais à elle. Peut-être parce qu'elle était particulièrement calme. Et super jolie aussi, aucun rapport, mais ça compte...

Je finis mon verre juste pour faire durer la sensation d'être dans le coaltar. Ça me faisait super peur de penser à l’accouchement mais je m’étais fait à l’idée que j’allais devenir père – quand on approche de la trentaine il est temps de s’y mettre remarque.. et puis je me visualisais mieux avec un bébé dans les bras, la bercer pour l’endormir, l’emmener à l’école, avoir à l’œil tous les garçons de la planète, buter celui qui aurait l’idée de lui faire du mal... En fait elle allait être belle notre fille, si elle ressemblait à sa mère, une mini Lyssa... Cette idée me fit sourire tout seul pendant une bonne minute, en vacillant un peu bien que je sois assis. Mon téléphone était à côté de moi et je tendis la main pour l'attraper, j'y parvins au bout de la troisième fois et m'apprêtai à téléphoner à Alyssa avant de me souvenir qu'il ne fallait pas vu l'heure. À la place de ça, il me sembla plus intéressant d'envoyer un sms. C'était hyper compliqué puisque tout tournait un peu autour de moi et que par moment mon portable se dédoublait, mais au moins ça me laissait le temps de réfléchir à ce que j'allais écrire. J'essayai de m'appliquer pour faire le moins de fautes possibles, Lyssa méritait mieux que ça, mieux qu’un pauvre gars alcoolisé qui ne sait plus écrire. Beaucoup beaucoup mieux. Bizarre que je m'en suis pas rendu compte avant, j'avais fait un enfant avec une fille trop géniale, de quoi je me plaignais franchement ?

Coment elle va notre fille? On se voit bientô jespère ?

C'était compréhensible. Est-ce qu'elle allait répondre... Il était tard et elle devait dormir. Elle allait être blasée d'être réveillée pour rien, et pourtant ce n'est pas ce qui m'empêcha d'envoyer un second message à peine une minute plus tard.

Dsl je t'ai pas reveillé jespere? Jpeux passer te voir ?

C'est vrai, quitte à la réveiller, autant le faire bien comme il faut, j'étais pas en état de conduire mais je pouvais toujours marcher sachant le peu de distance qui nous séparait. Sans même attendre de réponse, je me levai pour me préparer à partir, emportant une veste, un coussin du canapé, une boîte de Tic-Tac et mes clés de voiture. La porte de l'appart semblait se trouver à des kilomètres mais en titubant quelques minutes, elle m'arriva en pleine face et plutôt violemment. Ce coup aurait du me vriller l'esprit quelques secondes mais comme il l'était déjà, la douleur resta minime. Mais au vu de la goutte de sang qui perlait sous mon arcade ça avait été un peu plus violent que prévu, tant pis, le coussin servit de pansement géant et j'eus malgré tout la bonne idée de refermer à clé derrière moi. Heureusement personne ne traînait dans l'escalier à cette heure-là. Avec toute la logique des gens un peu bourrés, j'allai à ma voiture, non pas pour la conduire mais pour y déposer le coussin, comme si c'était sa place habituelle, puis je la fermai et reparti vers ma destination. Il y avait peu de monde dans la rue et par chance j’avais encore la capacité de me conduire à peu près normalement. J'allais retrouver Alyssa en me demandant pourquoi on s'était pas encore mis officiellement en couple alors qu'elle était sous mes yeux depuis tout ce temps et qu'elle était si cool.

Bizarrement le trajet parut hyper court, encore plus bizarre, je marchais presque droit, cela dit tant mieux parce qu'Alyssa n'avait peut-être pas envie qu'un gros ivrogne qui tient même pas debout vienne la réveiller à cette heure-là, même si l'ivrogne en question est le père de sa fille... Avant de frapper à la porte, je mâchouillai deux Tic-Tac parce que c’était plus classe de sentir la menthe que la bière.

J’avais passé quasiment toute ma journée à dormir. Enaya et ma mère n’avaient pas été là, et j’avais profité du calme de la maison pour me reposer. J’avais eu quelques petites contractions hier, après avoir passé ma journée dans les magasins pour bébé, donc après un rapide rendez-vous avec la gynéco, elle m’avait fait promettre de lever un peu le pied, sinon je risquais d’accoucher beaucoup trop tôt, et qu’il ne fallait pas que j’oublie que j’avais encore plus de deux mois à tenir. Alors j’avais écouté le docteur, et, aujourd’hui, pour le coup, j’avais navigué entre mon lit et le canapé du salon et c’est vrai que depuis hier, je n’avais rien ressenti d’anormal. Babynette devait être elle aussi épuisée, car je ne l’avais pas beaucoup sentie aujourd’hui. Alors à plusieurs reprises, pour bien m’assurer que tout allait bien, j’avais écouté son cœur battre grâce à l’appareil que m’avais offert Jude lors de la dernière échographie. Ce petit bijou était génial et je ne me lassais pas de l’utiliser. Tout comme ma mère et ma sœur qui, souvent, me réclamaient leur séance d’écoute. Chose que je ne pouvais évidemment par leur refuser. En fait, plus les semaines et les mois passaient et plus j’appréciais cette grossesse. J’adore la sentir bouger, même quand elle me réveillait en pleine nuit, je trouvais toujours ça agréable. Rares étaient les moments où j’oubliais que nous étions maintenant deux. Même quand elle dormait profondément, mon ventre, désormais bien rond et qui m’empêchait de faire tout ce que je voulais, savait bien me le rappeler. C’est vrai qu’à présent, j’avais du mal, ne serait-ce qu’à enfiler mes chaussettes. Je ne vous parle même pas de faire les lacets de mes bottes. Bottes d’ailleurs que je ne mettais plus, tant c’était devenu compliqué. Non, le plus simple restait les petites ballerines qu’on enfile sans se plier en quatre. Je ne pouvais plus non plus dormir sur le ventre, alors que c’était, jusqu’à il y a encore quelques mois, ma position habituelle. Bref, être enceinte apportait certains compromis, mais c’était tellement peu comparé à ce que je pouvais ressentir.

Pour la énième fois de la journée, je me relevais du canapé – autant vous dire que mes mouvements étaient loin d’être gracieux – et montaient jusqu’à ma chambre. J’entrepris d’enfiler ma nuisette – mes pantalons de pyjamas me serraient trop- et je me couchais, dans l’espoir de m’endormir rapidement. Mais c’était peine perdue : quand on pionce toute la journée, il est évident que la nuit, c’est bien plus compliqué. Surtout que la petite bêbête que j’avais dans le ventre et qui avait elle aussi beaucoup dormi dans la journée, était maintenant bel et bien éveillée et s’était mise à faire des galipettes dans mon utérus. Souriant, je posai ma main sur celui-ci et ferma les yeux. Je suivais ses mouvements de la paume de ma main. A moins que ce soit elle, qui suive ma main… au bout d’un moment, je ne savais plus trop. J’avais l’impression en tout cas qu’on communiquait et ça me plaisait bien. Néanmoins, je lâchais un soupire. J’aurai aimé que Jude soit là. C’est bête hein, mais ce genre de truc, ça doit être fabuleux de les vivre à deux. Et puis vu qu’on était pas ensemble, j’avais l’impression qu’il loupait un peu tout le temps ce genre de moments. Je n’étais même pas certaine qu’il l’ait déjà sentit bouger. Et au fond, je trouvais ça un peu triste. C’est à ce moment-là que mon portable vibra sur ma table de nuit. Fronçant les sourcils, je me demandais bien qui pouvait m’envoyer un message à une heure si tardive. Il me fallut plusieurs secondes pour me tourner sur le côté et me glisser jusqu’au bord de mon lit, pour atteindre mon téléphone. Jude. Un message de Jude. Je n’eut même pas le temps de l’ouvrir qu’un second arriva. Fronçant une seconde fois les sourcils, j’ouvris la conversation. Il demandait d’abord comment allait notre fille, et voulait savoir si on se voyait « bientô ». Dans son second message, il me demandait s’il pouvait passer. Ce n’était pas son habitude de proposer ce genre de truc à une heure du matin. Que se passait-il ? Je répondis rapidement, donnant mon accord pour qu’il puisse passer. Mince, il me foutait la trouille, là ! Pourquoi voulait-il me voir maintenant ? Et si il était en total flippe, en train de changer d’avis vis-à-vis du bébé ? Je me relevais du lit et enfila ma robe de chambre en soie puis descendit à pas feutrés jusqu’au salon. Des dizaines de questions me passaient par la tête et j’attendis qu’il arrive, assise sur le rebord de la fenêtre. Je relevais le rideau plusieurs fois, scrutant la rue. Après quelques minutes, j’aperçus sa silhouette. Il faisait sombre, la rue étant éclairée uniquement par quelques lampadaires et je ne parvins pas à voir vraiment l’expression de son visage. Je pris les devants jusqu’à la porte et l’ouvrit avant même qu’il toque ou sonne. « Salut… Ne fais pas trop de bruit s’il te plait, ma mère et Enaya dorment… » Je refermais la porte derrière lui. Ok, il faisait encore plus noir dans l’entrée que dans la rue. « On va aller dans ma chambre, suis-moi. » Je chuchotais, attrapant sa main pour qu’il me suivre malgré la pénombre. Heureusement, la montée des escaliers ne se fit sans embuches et on arriva dans ma chambre sans bruit. Ma chambre était quelque peu à l’écart du reste des pièces de la maison, et d’ici, c’était sûr qu’on ne réveillerait pas ni ma mère ni Enaya. Je refermais la porte derrière lui, lâchait sa main puis lui fit face. « Qu’est-ce qui se passe, Jude ? Est-ce que tout va bien ? » Je le regardais cette fois-ci plus en détail et... fronça les sourcils. « Qu’est-ce qui est arrivé à ton arcade ? » Il saignait, enfin, avait saigné, mais ça se voyait que c’était tout frais. Est-ce qu’il s’était battu ? S’était fait agressé ? Quoi qu’il en soit, c’était louche !

J’avais vaguement entendu parler d’une appli sur mobile qui permettait de nous empêcher d’envoyer des sms à n’importe qui quand on a bu, s’il en avait une pour empêcher de sortir de chez soi il me l’aurait probablement fallu ce soir. Bien confortablement assis dans mon canapé ça m’avait paru être une bonne idée d’aller voir Alyssa au beau milieu de la nuit, mais là maintenant, collé derrière sa porte comme un couillon j’en étais plus trop sûr. Malheureusement cet éclair de génie m’était venu alors que la lumière derrière la porte venait de s’allumer, la demoiselle devait être en train de m’attendre depuis qu’elle avait reçu mon message ; tout à coup je ne savais plus du tout ce que j’allais lui dire lorsqu’elle serait en face de moi... Heureusement elle me donna un léger sursis en m’embarquant directement vers sa chambre en me tenant par la main – c’était pas plus mal pour me guider – et au passage elle me demanda de ne pas faire trop de bruit puisqu’en toute logique, sa sœur et sa mère dormaient. Ça allait être moins facile ça. Aussitôt arrivé dans sa chambre éclairé seulement par une lampe de chevet, je failli faire tomber un truc posé sur une commode mais dans un élan d’adresse je réussis à le rattraper in extremis ! Après quoi je relevai la tête vers ma jolie petite baleine et constatai avec regret qu’elle avait l’air particulièrement inquiète et que de toute évidence, c’était de ma faute, elle me demanda si tout allait bien puis enchaîna avec une autre question au sujet de mon arcade sourcilière abîmée. J’aurais pas cru que ça se voyait.. et à vrai dire j’avais même déjà oublié ce qu’il s’était passé avec ma porte tout à l’heure.

Tout va bien t’inquiète pas, et je me suis juste cogné c’est pas méchant. Je.. euh j’avais juste envie de te voir en fait...

Super explication qui n’avait rien de particulièrement rassurant ni constructif. Ayant peur de vaciller et de perdre encore plus en crédibilité, je préférai m’asseoir sur le lit et invitai Lyssa à faire de même en l’attrapant à mon tour par la main sans la lâcher une fois installés. Moi qui m’était incrusté avec l’intention de lui parler sérieusement, tout à coup je ne savais plus du tout quoi lui dire et je sentais que la fatigue me tombait dessus, pourtant Alyssa attendait des explications au fait que je débarque comme ça dans la nuit. Quelles étaient les explications ? Après avoir bu j’avais réalisé que j’adorais cette fille et probablement un peu plus que ça, mais j’étais pas du tout assez bourré pour lui dire ça malgré tout... En fait je me sentais juste con d’être comme ça devant elle et j’avais juste envie de dormir jusqu’à demain matin en espérant ne pas avoir mal au crâne à mon réveil.

J’avais juste envie de te voir en fait, tu me manquais.. c’est nul j’étais en soirée avec des potes et j’ai un peu bu, je suis désolé de te déranger, j’espère que je t’ai pas réveillée au moins ? J’suis nul ça craint...

Je me massai les tempes avant de me laisser tomber sur le lit en fermant les yeux. À priori j’avais pas eu l’intention de venir ici pour dormir mais là c’était la seule envie que j’avais, ça faisait un bail qu’on avait pas dormi ensemble et ça me manquait. Seulement mes explications qui n’en étaient pas n’allaient pas lui suffire, je luttai donc tant que je le pouvais pour ouvrir les yeux et trouver une excuse à mon intrusion. Sauf que mini-nous m’interrompit dans mes pensées en se montrant, une petite bosse apparût, à peine perceptible – sans trop réfléchir à ce que je faisais, je me relevai d’un coup et mes mains allèrent défaire la robe de chambre d’Alyssa pour mieux voir. Je posais ma paume contre son ventre et pour la première fois je sentis le bébé bouger. Mon cœur fit un bond.

Oh mais c’est trop génial ça ! lançais-je joyeusement en relevant la tête avec des yeux de merlan frit.

Mon visage était tout près de celui de Lyssa mais j’eus la bonne idée de ne pas l’embrasser, me souvenant de ce qu’il s’était passé la dernière fois que j’avais fait ça, pourtant c’était pas l’envie qui m’en manquait. Mais où cas où elle en avait envie aussi, j’étais bien content d’avoir mangé des Tic-Tac tout à l’heure !

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C’était sûrement idiot, mais à ce moment-là, je ne cessais de me dire que si Jude avait demandé à me voir ce soir, c’est qu’il avait tout bonnement l’intention de se défiler. De lâcher les responsabilités de la grossesse, lâcher les responsabilités de notre fille à venir. De me lâcher en fait. De me larguer en quelque sorte, bien qu’on ne soit pas ensemble, je le ressentais ainsi car après tout, je n’avais jamais vécu quelque chose de si sérieux avec un homme jusqu’à présent. Avoir un enfant, c’était le comble du sérieux, non ? Sans doute. J’avais le cœur qui palpitait, des frissons qui me parcourraient le corps alors que j’attendais sa réponse : que se passait-il ? Je ne pus que remarquer son arcade blessée. Je le voyais déjà, se faire attaquer dans la rue en venant me rendre visite. Ses yeux brillaient, Jude avait l’air d’être pas mal fatigué, je pouvais le voir dans son regard. D’un geste inconscient, je croisais les bras, refermant un peu plus au passage ma robe de chambre. J’avais froid : mon expédition nocturne jusqu’à la porte d’entrée m’avait arrachée à la chaleur de ma couette. Mais les mots de Jude et son regard porté sur moi sembla me réchauffer quelque peu. Un léger sourire se posa sur mes lèvres alors que je laisse échapper un petit « Oh… », Surprise par sa révélation. Alors, comme ça, il avait juste envie de me voir ? Ce sont ces simples mots que je gardais en tête : son histoire de s’être cogné et non de s’être fait agressé me rassura, c’est sûr, mais le fait de savoir qu’il avait envie de me voir me faisait très plaisir. Contre toute attente, il attrapa ma main et m’invita à m’assoir sur mon propre lit. Une fois près de lui, et grâce à ma lampe de chevet non loin de nous, je pu mieux observer son visage, son arcade, ses yeux, les traits de sa mâchoire, ses lèvres….qui se mirent à bouger, pour parler. Le sourire présent sur mon visage s’intensifia alors qu’il m’avouait que je lui manquais. Merde, il avait beau avoir un peu trop bu ce soir – je l’avais compris bien avant qu’il le dise -, il était vraiment adorable. Je ne fis pas de remarque quant au fait qu’il ait bu. Je suis sûre qu’une nana, en cloque jusqu’au coup, aurait dû réagir à ça, dire au futur papa qu’il fallait qu’il arrête ses conneries, que bientôt il devrait prendre ses responsabilité et penser au bébé avant son propre plaisir. Mais étant donné l’état dans lequel j’étais quand on s’était rencontré, honnêtement, je n’avais pas mon mot à dire là-dessus. « Non, tu ne m’as pas réveillé du tout, je n’arrivais pas à dormir en fait, ne t’inquiète pas… » Il se laissa tomber un instant sur le lit, sans pour autant me lâcher la main ou dévier son regard de moi. « Justement, je pensais à toi, à vrai dire. » confiais-je à mon tour.

Babynette semblait contente elle aussi d’entendre son papounet : si elle s’était calmée durant les dernières minutes, je la sentie débuter une danse à l’intérieur de mon ventre et Jude, apercevant une petite bosse apparaitre sous ma robe de chambre, écarquilla les yeux avant de se relever brusquement. Et plus vite qu’il ne faut pour le dire, ma robe de chambre se retrouva ouverte et Jude vint poser sa paume contre mon ventre. Sa réaction me fit légèrement rire et je sentis un léger pincement au cœur. « Elle n’arrête pas ce soir, elle n’a pas envie de dormir. En même temps, elle a dormi toute la journée, alors bon, c’est l’heure de faire la fête, pour elle. » Il avait désormais le regard rivé sur mon ventre, sa paume suivant le trajet du bébé. Pendant quelques secondes, je restai silencieuse, le laissant savourer ce moment-là, et c’est à cet instant que je me dis qu’il fallait sérieusement que j’arrête de douter de lui : Jude était là, et il le resterait. Jamais il ne m’avait donné d’occasion de douter jusqu’à aujourd’hui et ce soir encore, il me prouvait qu’il n’avait aucunement l’intention de me lâcher en cours de route. Le cœur un peu plus léger, je repris la parole. « C’est pour ça que j’arrivais pas à dormir et que… je pensais à toi. J’me disais que c’était dommage que tu ne sois pas là, pour la sentir comme je la sens. » Son regard se releva vers moi. Son visage était désormais très près du mien, si près que je pouvais sentir son souffle sur ma joue. « Je suis contente que tu sois là… » Soufflais-je alors, tentant de dissimuler mon soudain malaise.

J’avais beau commencer à avoir honte de mon comportement, je me félicitais tout de même de m’être arrêté de boire avant d’être vraiment ridicule. Et puis j’avais la « chance » de réussir à me comporter à peu près normalement avec de l’alcool dans le sang.. le truc qui est super utile dans la vie.. enfin bref ! Dans tous les cas ça ne m’empêchait pas de regretter un peu d’avoir embêté Alyssa ce soir mais apparemment elle ne prenait pas mal la chose, elle ne m’avait pas jeté dehors comme un ivrogne et c’était plutôt cool, j’avais vraiment du bol d’être tombé sur une fille comme elle. Tout ça ne faisait que renforcer ce que je ressentais et ce qui m’avait donné envie de la voir ce soir, pour autant je me sentais pas de lui sortir ça maintenant joyeusement, genre « hey mais au fait on devrait se mettre en couple tiens ! ». Nan... En tout cas elle avait l’air contente de savoir qu’elle m’avait manqué même si elle ne me répondit rien de plus qu’une onomatopée pour commencer, avant d’ajouter au bout de quelques secondes qu’elle pensait justement à moi. Ça ne voulait rien dire de précis, peut-être qu’elle pensait à moi en se disant qu’elle aurait mieux fait de me fuir vu que j’étais un gros angoissé qui ne tiendrait jamais le coup et ferait un père absolument déplorable... Ma main était toujours contre son ventre tandis que je « communiquais » pour la première fois avec le bébé, sentant je ne savais pas trop quelle partie de son corps bouger sous ma paume. C’était dingue de se dire qu’à partir de rien du tout, un bébé avait été créé. Un bébé bien en forme, avec des organes, des os, des membres, des yeux qui pourraient nous regarder dans quelques semaines, des jambes qui seraient capable de la porter dans plusieurs mois... Quand on y pensait, c’était vraiment fou la vie.. ou bien je philosophais tout simplement trop. En tout cas sentir ses mouvements la rendait bien réelle. Vivante. C’était ma fille là-dessous...

Je suis ton pèèèère... lançais-je, me rapprochant du ventre, avec une voix grave imitant divinement bien Dark Vador.

Ah décidément l’alcool me rendait particulièrement drôle... Reprenant mon sérieux – et ma crédibilité par la même occasion – je me relevai pour réagir intelligemment à ce que l’on venait de me dire.

C’est aussi pour ça que je voulais venir, c’est dommage d’avoir manqué tout ces trucs. répondis-je. Il faut arrêter d’embêter ta Maman maintenant, c’est l’heure de faire dodo ! murmurais-je en direction des mouvements encore visibles sur le ventre d’Alyssa. En guise de réponse, j’eus droit à un gros coup sous les doigts. Bah super, elle obéit déjà pas à son père, c’est une rebelle de la société on est dans la merde...

Le moment était probablement arrivé pour moi de la fermer un peu plutôt que de raconter n’importe quoi comme ça. Le visage de la demoiselle tout près du mien m’incita à me taire mais me déconcentra par la même occasion, il valait mieux laisser un peu de distance cette fois, elle était contente que je sois là.. je ne pouvais pas en demander plus, et comme elle trouvait dommage qu’on ne soit pas plus ensemble je jugeai que c’était une perche qu’elle me tendait pour que je m’incruste encore plus. Profitant de l’excuse pour me relever et m’éloigner de la tentation, je retirai ma veste pour me retrouver en tee-shirt et laissais tomber mes baskets dans un coin de la chambre.

Vu que je tu pensais à moi et que maintenant je suis là et que tu as un lit deux places – ce qui est quand même vachement pratique n’est-ce pas ? – je devrais peut-être rester là cette nuit non ? Ça manque d’homme dans cette maison en plus hein !

En finissant de parler je retirai mon jean pour me retrouver en boxer, une minute plus tard j’étais revenu me coucher près d’elle et j’attendais qu’elle fasse de même – en espérant que malgré le fait que je lui force un peu la main, ça ne la dérange pas...

J’observais Jude, un petit sourire au coin des lèvres : il s’émerveillait de sentir notre fille, manifester sa présence à l’intérieur de mon ventre. Et elle semblait s’en donner à cœur joie, donnant des coups plus ou moins fort, et changeant de position. Hier, la gynéco m’avait dit qu’elle était encore assez petite pour bien bouger, mais que d’ici quelques semaines, plus on se rapprocherait de la date de l’accouchement, et moins elle aurait de place. En tout cas, là, elle semblait toujours résider dans un palace et non un placard à balai. Et dire que dans quelques semaines, elle sera là, avec nous, à hurler au beau milieu de la nuit parce que mademoiselle a faim, ou mademoiselle a les fesses toutes sales. J’avais encore du mal à réaliser tout ça, pour l’instant, elle était juste cette chose, dans mon ventre, qui me chatouillait. Jude approcha son visage de mon ventre et se mit à parler au bébé. Enfin… parler… C’est un bien grand mot. Je ne pu m’empêcher d’éclater de rire en l’entendant imiter Dark Vador. « Tu vas lui faire peur avant qu’elle soit là, t’abuse ! » Mais babynette ne semblait pas avoir eu peur de quoi que ce soit, elle continuait à se trémousser, pas du tout perturbée par la voix grave de son pèèèèère ! Il reprit un peu son sérieux, et je parvins à calmer mon fou-rire avant d’hocher la tête. « Oui, tu as bien fait de passer. » Il continua de parler à sa fille, de façon plus conventionnelle et elle lui répondit d’un coup de poing. Ou de pied. Ou de tête, je n’en savais un peu rien. « Mais nan, c’est qu’elle ne t’a pas reconnu là. Maintenant, tu devras toujours lui parler avec la voix de Darky. C’est comme ça qu’elle te reconnaît… » J’affichais une petite moue. Notre fille ne sera pas une rebelle. On allait bien l’éduquer pour qu’elle soit toujours mignonne.

Il se leva du lit et je le suivis du regard : il retira sa veste, ses baskets. Ok, il avait donc l’intention de rester un peu avec moi, et ça ne me posais vraiment aucun problème, bien au contraire, avoir un peu de présence – autre que bébé dans le ventre – me faisait du bien, après une journée passée seule. Et puis, c’était Jude, alors c’était d’autant mieux : j’appréciais énormément sa présence, maintenant qu’on avait dépassé les tensions de la grossesse. Il avait l’intention de rester… et bien plus encore. Je le compris en l’écoutant parler et en le voyant retirer son jean et en annonçant que vu que j’avais un lit de place – pratique – il devrait rester dormir ici cette nuit. Je ris une nouvelle fois. Il ne manquait pas de toupet, et sans doute que les quelques verres qu’il avait dans le sang lui donnait des idées mais j’hochais finalement la tête en me glissant jusqu’à la tête du lit pour me glisser sous la couette. « T’as de la chance que ce soit toi qui ai planté cette graine dans mon ventre, sinon, je t’aurai sans doute jeté dehors. » Je plaisantais, évidemment alors que je retirai ma robe de chambre, pour la jeter au loin, sur une chaise. Je rabattis la couette sur nous, me calant bien confortablement, tournée vers Jude. « T’as pas intérêt à prendre toute la couette par contre. » lançais-je en souriant. J’avais déjà passé quelques – plusieurs – nuits avec lui, mais ça remontait à quelques mois, avant qu’on s’embarque dans cette aventure, et je me souvenais très bien m’être réveillée plusieurs fois, frigorifiée, parce que monsieur avait trouvé ça rigolo de s’enrouler dans la couette. Dans mon ventre, Babynette s’était elle aussi calmée. Je tendis mon bras pour éteindre la lampe de chevet et ma chambre se retrouva alors dans la pénombre. La lune, traversant la fenêtre, me permettais de voir quand même Jude, enfin, de deviner les contours et les détails de son visage. On discuta quelques instants, de tout et de rien, avant de finir par s’endormir, l’un contre l’autre.

Alors que j’entamais la discussion avec notre fille, Alyssa m’affirma que la voix de Dark Vador allait lui faire peur, puis finalement se rétracta en disant qu’elle ne reconnaitrait plus que cette voix désormais, ce qui serait quand même relativement embêtant mais m’incita à parler avec une voix normale – c’était nettement moins chiant aussi. Après avoir eu ma dose de cabrioles et de communication avec bébé, je me décidai à laisser un peu respirer la Maman qui devait avoir envie de retrouver le monopole de son ventre, et pendant qu’elle remettait un peu sa nuisette en place, moi j’enlevai mes fringues pour m’incruster dans son lit. Ça n’eut pas l’air de déranger Alyssa – ou peut-être qu’elle n’osait pas me dire de dégager – mais apparemment il fallait juste que je fasse gaffe à ne pas piquer toute la couette !

Genre ! J’ai jamais piqué de couette moi ! Attends...

Alors que j’étais bien installé, je me relevai pour passer du côté d’Alyssa et la border bien comme il fallait en calant la couette sous le matelas, puis je retournai vite-fait à côté d’elle en réussissant miraculeusement à ne pas tomber.

Et voilà, comme ça Mlle Donogan devrait dormir correctement ! Tu veux pas un massage non plus ? ..Nan la flemme, on verre ça demain matin...

Aussitôt qu’elle eut éteint sa lampe de chevet, l’envie de dormir me retomba dessus, pourtant on restait encore à discuter quelques minutes de babynette, de prénoms qu’on détestait, de notre vie à venir. Au bout d’un moment je me rendis compte que la conversation était terminée puisqu’on s’était endormi tous les deux.

À mon réveil, je mis quelques secondes à réaliser où j’étais et pourquoi on n’était pas dans le noir complet comme chez moi, puis un léger mal de crâne me fit retrouver la mémoire. Ah oui.. j’avais bu et j’avais débarqué ici pour déclarer ma flamme à Alyssa. Super idée encore... Si hier j’avais pu ressentir le courage de lui dire tout ça, aujourd’hui c’était moins le cas. Là où j’avais pas merdé au moins, c’est que la couette était toujours à la même place ! La petite baleine dont le ventre prenait la moitié du lit dormait toujours et je me surpris à la regarder dormir quelques secondes avant de sentir mes yeux se refermer. Par automatisme, avant de replonger dans un sommeil profond, j’attrapai sa main dans la mienne. Un temps indéterminé plus tard, second réveil et cette fois-ci Alyssa était réveillée elle aussi.

Salut... lançais-je faiblement. J’espère que j’ai pas trop bousillé ta nuit.

Vu la lumière qui passait par la fenêtre, il semblait faire relativement beau dehors et ça aurait du me motiver à bouger, mais au contraire ça m’assommait plus qu’autre chose et je n’avais même pas la motivation de lever la tête de l’oreiller, en fait j’aurais même plutôt apprécié me rendormir mais bon, j’étais pas chez moi. Heureusement qu’on était en week-end cela dit. Tout à coup, Alyssa bougea légèrement et je me rendis compte que ma main serrait toujours la sienne, je l’enlevai donc pour éviter toute polémique et finit par carrément me lever en ne sachant pas trop s’il fallait reparler de la raison pour laquelle j’avais débarqué ici la veille. En fait ce genre de conversation ne mène jamais à quelque chose de bon il me semble, ce n’était pas le moment de créer un nouveau malaise entre nous, en sachant qu’on en avait déjà vécu quelques uns et que maintenant que tout allait mieux, je ne voulais pas tout gâcher encore une fois. Parfois il vaut mieux garder ce qu’on pense au fond de soi.

Après quelques minutes de discussion, je sombrai dans un sommeil apaisé. La présence de Jude m’apaisait et semblait également apaiser Babynette puisqu’elle dormit elle aussi rapidement, et toute la nuit, sans me réveiller une seule fois. Cela faisait des mois que je n’avais pas aussi bien dormi à vrai dire. D’ordinaire, je me réveillais une bonne dizaine de fois par nuit, pour faire pipi (quoi, on vous a jamais dit que la vessie d’une femme enceinte est quinze fois plus petite que la normale ?!), pour changer de position (avec un gros ventre rond, c’est jamais évident) ou parce que j’ai mal au dos. Ou parce que mini-nous donne des coups et estime qu’il est l’heure de se lever. Mais là, non. Aucun réveil mis à part l’ultime, lorsque le jour est levé depuis plusieurs heures et que le soleil illumine ma chambre. J’ouvris les yeux un instant, les refermant aussitôt, éblouie par la lumière. Je mis quelques secondes à comprendre que la personne que je sens à côté de moi n’est autre que Jude. Et la soirée de la veille me revint en mémoire, sa visite à l’improviste, son sourire en sentant le bébé bouger. Hier soir, j’avais presque eu l’impression de vivre ce que toute femme enceinte devait vivre : de la complicité avec le futur papa. Sentir sa progéniture bouger, ce n’était pas quelque chose de banale et si j’étais enceinte de 8 mois passés, si cela faisait plusieurs mois que je sentais Babynette bouger, Jude, lui, découvrait cela pour la première fois. On ne passait pas assez de temps ensemble, ça c’était sûr. Mais en même temps, ce n’était pas si évident que ça, sachant qu’on était pas ensemble… Ma main dans la sienne, il dormait toujours et je l’observais quelques secondes avant qu’il ouvre les yeux. Je lui souris légèrement. « Salut… Non, du tout. J’ai très bien dormi. » Je m’étirai légèrement, j’avais mal au dos, comme tous les matins après plusieurs heures à être restée couchée, et Jude retira sa main de la mienne. « Et en plus, tu n’as même pas piqué la couette, je suis fière de toi ! » Lâchais-je en étouffant un bâillement. J’avais envie de faire pipi. Et j’avais faim. Hyper faim, même. Je me relevais dans le lit, grimaçant de douleur. C’est que Babynette pesait lourd quand même et tirait sur les muscles du dos. « T’as faim ? J’ai faim. Je vais aller nous chercher des trucs à manger. J’ai l’impression d’avoir un trou dans le ventre. » Étrange sensation quand on savait qu’au contraire, je n’avais pas de trou mais bien quelque chose en supplément. Quoi qu’il en soit, je sorti du lit, attrapa ma robe de chambre et l’enfilant en vitesse. « Bouge pas, je reviens. » Je ne tenais pas trop à ce qu’Enaya ou même ma mère sautent sur Jude si jamais il osait sortir de la chambre. Je fila aux toilettes puis descendis en vitesse les escaliers jusqu’à la cuisine, embrassa ma mère. Enaya dormait encore, me confia-t-elle. J’attrapai un plateau, y déposa deux verres, une bouteille de jus d’orange, un couteau, un paquet de pains au lait et le pot de Nutella. Ma mère me regarda bizarrement mais ne posa pas de question alors que je remontais jusqu’à la chambre. « J’ai pas pris de café. Tu veux du café ? » Moi qui n’en buvait pas, ni avant la grossesse, et encore moins pendant, c’était le genre de boisson à laquelle je ne pensais jamais. Je déposai le plateau sur le lit et m’y installa ensuite. « J’oublie pas que tu as parlé de massage hier soir, hein. T’as dit « on verra demain matin ». On est demain matin il me semble. » Je souriais légèrement tout en versant du jus dans les verres. J’avais une faim de loup.

Pour l’instant j’avais réussi à échapper à l’interrogatoire que je redoutais un peu et ça m’allait très bien comme ça, il fallait espérer que ça dure. À notre réveil, Lyssa avait l’air d’être en super forme, bizarre pour quelqu’un qui a été réveillé dans la nuit par un chieur, elle proposa d’aller chercher un truc à manger après avoir affirmé qu’elle était affamée et qu’elle avait un trou dans le ventre. Je ne pu m’empêcher de rire en l’entendant dire ça ; il ne fallait pas trop qu’elle s’inquiète de ça puisque son ventre formait une énorme bosse plutôt qu’un trou ! C’était probablement un peu moyen que ce soit la femme enceinte qui doive apporter le petit déj au lit et je me serais bien proposé, seulement elle ne vivait pas seule, et croiser Maman Donogan et la sœurette serait assez bizarre dans de telles circonstances. Il serait assez difficile de justifier ma présence dans la chambre d’Alyssa de bon matin, d’autant que je m’imaginais mal dire que j’étais arrivé là dans la nuit après avoir bu... Le seul fait d’imaginer ce que sa sœur et sa mère pourraient penser de ça me donna envie de me faire violence, j’étais clairement pas sérieux comme futur père et il allait falloir changer ça à l’avenir. Le temps qu’elle revienne dans la chambre, j’étais resté le regard dans le vague et j’avais décidé intérieurement que je ne boirais plus une goutte d’alcool jusqu’à l’accouchement, et qu’après ça je tâcherais de rester raisonnable. Alyssa refit son apparition, l’air plus motivée que jamais, et me demanda expressément si je souhaitais du café.

Non merci ça ira ! Et tu fais bien de pas en boire non plus parce que t’as l’air déjà survoltée ! souriais-je.

Ça faisait vraiment plaisir de la voir en forme alors que les jours qui nous séparaient de l’accouchement diminuaient à vue d’œil, moi qui avait cru qu’à quelques semaines du jour fatidique elle allait galérer à mort, en fait elle s’en sortait plutôt bien. Quoi qu’apparemment elle avait besoin – ou peut-être juste envie – d’un massage. Dans tous les cas elle avait une bonne mémoire puisque moi j’avais déjà oublié ma promesse de la veille, mais ça ne m’empêcherait pas de la tenir, et qui plus est – j’avais envie de me baffer de penser ça – mais ce serait une bonne excuse pour me rapprocher d’elle sans créer de polémique. Avant de répondre, je bus d’une traite le grand verre de jus d’orange qu’Alyssa venait de me servir et qui me fit un bien fou après l’alcool qui m’avait desséché à mort la veille. Après ça j’attrapai un pain au lait que je tartinai généreusement de Nutella tout en répondant à la requête de la demoiselle.

Ah oui effectivement. Et de quelle partie du corps tu veux que je m’occupe ? J’imagine qu’un massage du dos te ferait du bien mais ça va être compliqué de te coucher sur le ventre, n’est-ce pas baleinette ? souriais-je.

Le pain au lait était maintenant bien recouvert de pâte à tartiner, et plutôt que de la manger, je décidai d’en faire cadeau à l’affamée à côté de moi, je la lui tendis comme pour lui donner délicatement avant de lui en coller sur le nez au moment où elle ouvrait la bouche pour mordre dedans, juste pour être un peu chiant comme je savais si bien le faire. Avant d’avoir affaire à d’éventuelles terribles représailles, j’allais préparer une seconde tartine que j’engouffrais dans ma bouche.

T’as de l’huile de massage quelque part ? souriais-je, pour changer de sujet.

Je m’éloignai un peu pour être hors de portée en cas de vengeance de sa part, le sourire au lèvres en la voyant toujours avec le Nutella sur le bout du nez et au passage, je me rendis compte que j’avais aussi réussi à lui en mettre sur une joue. Ça ne réussissait même pas à l’amochir.

Peut-être que Jude avait des choses de prévues ce matin, ou peut-être juste envie de rentrer chez lui, mais moi, étrangement, je n’avais pas trop envie qu’il s’en aille pour l’instant. L’idée du petit déjeuner était donc parfait pour qu’il reste encore un peu avec moi : franchement, qui partirait alors qu’il y a des pains au lait et du nutella à manger ? Moi en tout cas, je ne serai partie pour rien au monde, et pas uniquement parce que j’étais affamée ! De toute façon, il n’y avait pas besoin d’avoir faim pour manger du Nutella. J’étais même capable de le manger à la petite cuillère comme de la glace. Et même en nappage sur de la glace à la vanille…Un délice ! Enfin, à 10h du matin, je n’allais pas sortir la glace à la vanille, même si ça ne m’aurait pas dérangée. Mais il m’aurait certainement pris pour une tarée… Quoi que, ça, c’était sûrement déjà fait ! Je ramenai donc tout un plateau plein de victuailles dans ma chambre, et on s’installa sur le lit. « Je ne suis pas survoltée, j’ai juste hyper bien dormi. Je suis en forme. Babynette dort encore. » En forme. Heureuse en fait. J’étais bien. D’ailleurs, en parlant de Babynette, fallait sérieusement qu’on lui trouve un prénom… parce que Babynette, j’étais pas certaine que ce soit autorisé à l’état civil ! Je servais les verres de jus d’orange tout en indiquant à Jude que je n’avais pas du tout oublié qu’il m’avait parlé de massage la veille. C’est vrai que malgré que je sois en forme, j’avais quand même hyper mal au dos. Mon ventre semblait peser une tonne maintenant et tirait sur les muscles du dos. Cependant, il avança un argument intéressant : avec mon bide énorme, le massage du dos allait être compliqué vu que je ne pouvais pas me coucher sur le ventre. J’allais rétorqué lorsque j’entendis le petit surnom qu’il me donnait et j’ouvris la bouche légèrement, écarquillant les yeux. « Fais gaffe, où tu vas te recevoir un coup de ventre. Et un ventre de baleinette, comme tu dis, ça fait hyper mal ! » Non mais j’hallucinais ! Baleinette quoi ! Quel salaud. Je ne pu m’empêcher de rire légèrement, je savais bien que ce n’était pas méchant, mais quand même. « J’sais bien que j’suis énorme, mais t’inquiète, dans quelques mois, j’aurai retrouvé ma taille de guêpe ! – hé ! » Il venait de pousser la tartine dans laquelle je m’apprêtais à mordre, sur mon nez ! Il s’empressa d’engouffrer sa propre tartine, comme pour m’empêcher de me rebeller aussi sec. « C’était un coup bas, ça, Jude ! C’est bien la dernière fois que je t’offre un p’tit déj si c’est comme ça ! » Mes menaces n’étaient absolument pas crédibles vu la tronche que j’affichais et le nutella que j’avais encore sur le bout du nez. Je croquais finalement dans ma tartine. Je la mangeais en moins de deux puis enleva avec mon doigt le Nutella que j’avais sur le visage. « Euh… Non, j’crois pas que j’en ai… » Mince. Pas d’huile de massage, pas de massage ? Mmmh, y’avait bien du nutella… un massage au Nutella ?

J’affichais une petite moue, avant de laisser apparaître un petit air malicieux sur mon visage. « Mais comme t’es pas gentil, t’as qu’à me faire un massage des pieds ! » lançais-je avant de rire sans retenu en voyant la tête qu’il faisait. « Ca va, je plaisante, fais pas cette tronche. » J’haussais les épaules tout en prenant un nouveau pain au lait. « J’ai les pieds propres en plus… » Ajoutais-je d’une voix faible, plus pour moi-même. C’est vrai ça, j’avais pris une douche hier soir hein ! Je tartinais mon pain avec du nutella tout en réfléchissant. « Sinon avec de la crème ? Ou du lait pour le corps ? Ça peut très bien faire office d’huile. » Je mordis dans mon pain au lait. Maintenant que j’avais fait un peu diversion, je pris un peu de Nutella sur mon doigt et avant que Jude ait pu faire le moindre mouvement, je lui collais mon doigt sur la joue et gribouilla avec le nutella. « On t’as jamais dit qu’un masque au Nutella, c’était hyper bon pour la peau ? J’te jure, j’ai lu ça dans Femme + ! » La revanche de Baleinette était activée !

Alors que je m’étais un peu moqué d’elle et sur sa surmotivation, Alyssa m’affirma qu’elle était comme ça parce qu’elle avait très bien dormi – c’était rassurant de penser que je ne lui avais donc pas gâché sa nuit. Par la suite on parlait du massage que j’avais promis et du surnom de « baleinette » qui ne lui convenait pas trop et elle me menaça de me mettre un coup de ventre. La grosse violente ! Finalement sa petite menace n’eut pas grand effet sur moi puisqu’elle me fit rire plus qu’autre chose, d’ailleurs elle en rit aussi avant de me dire avec conviction que dès que l’accouchement serait passé elle perdrait les kilos et retrouverait la forme illico. Ça ne m’étonnait pas ; Lyssa n’avait pas l’air d’être le genre de fille qui se laisse aller, et puis même enceinte elle était loin d’être énorme malgré ce qu’elle disait, à vrai dire j’étais pas même sûr que si on la voyait de dos, on pouvait imaginer qu’elle était enceinte de huit mois ! Mais même si globalement elle le vivait bien, les douleurs liées à une quinzaine de kilos en plus étaient bel et bien là, elle avait mal au dos et apparemment aussi aux pieds puisque c’était cette partie du corps qu’elle voulait que je masse. Je haussai un sourcil comme pour lui demander si elle était bien sûre de son choix et elle se ravisa en me disant qu’elle plaisantait.. mais que ses pieds étaient propres. Bon après tout si ça pouvait lui faire plaisir j’allais pas faire mon méchant avec elle ! L’idée de prendre du lait pour le corps n’étant pas mauvaise, j’attrapai celle qu’Alyssa me donnait avant de lui demander de s’installer confortablement. Je n’étais pas un pro des massages mais j’avais deux ou trois bases de réflexologie que je pensais inutiles jusque là mais apparemment là c’était l’occasion de les exploiter. Après avoir un peu chauffé le lait entre mes mains je débutai le massage en espérant que Lyssa n’était pas chatouilleuse et que j’allais pas me prendre un coup de pied en pleine tronche.

Tu me dis si j’appuie trop fort.

Quitte à faire les choses bien, le massage s’étala des pieds jusqu’aux bas des jambes qui – d’après ce que j’avais lu sur Internet – pouvait aussi être vachement douloureuses en fin de grossesse. Alors que je me concentrais pour la détendre, apparemment la demoiselle avait autre chose en tête puisque je me fis généreusement tartiner la joue de Nutella tout à coup.

Mais quelle saloperie ! m’exclamais-je. Je vais te forcer à me lécher la joue moi tu vas voir, t’inquiète elle est propre hein ! me moquais-je en imitant ce qu’elle m’avait dit tout à l’heure.

Par réflexe je voulu essuyer ma joue d’un revers de main ce qui eut pour effet que m’étaler du lait pour le corps sur les joues et du Nutella sur les mains, super classe quoi ! Je dus mettre fin au massage pour aller attraper une serviette posée sur le plateau et m’essuyer les mains et le visage. Ça aurait été l’occasion idéale pour commencer une bagarre de Nutella mais d’abord, c’est pas bien de gâcher la nourriture, et en plus j’étais sûr de gagner et c’était pas fair play de battre une pauvre femme enceinte sans autre défense que ses coups de ventre ! Alors il valait mieux jouer le garçon sérieux qui sait s’arrêter et qui est mature – genre !

Bon si Mlle Donogan la petite chieuse a fini ses conneries, je pourrais peut-être finir mon massage ? On est plus des enfants quand même ! plaisantais-je en riant.

C’était un peu l’hôpital qui se foutait de la charité mais bon ! Je repris le lait pour le corps et m’installais cette fois à côté d’Alyssa, un peu en retrait pour pouvoir masser le haut de son dos.

Bon et plus sérieusement, Babynette ça doit être un peu handicapant comme prénom dans une vie, t’as d’autres idées de prénoms ?

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